L’aventure est toujours belle quand elle est musicale

Si quelqu’un m’avait dit un jour que je chanterais du Purcell, je ne l’aurais pas cru. D’abord c’est qui Purcell ? Henry Purcell compositeur anglais du XVIIe siècle, auteur de Music for a while.
Fermer les yeux, ouvrir grand les oreilles.
Pendant un moment, oublier les obligations, les aléas, les soucis, les désagréments de la vie. C’est beau quand c’est explicité par Claire Delgado Boge, conceptrice du spectacle « Alors tu chanteras ». Parce qu’on n’est pas tout de suite sensible à cette dimension quand on déchiffre la partition et qu’on s’attache à articuler les syllabes, tâche d’autant plus difficile quand on n’a pas l’anglais en bouche, ni le rythme du morceau dans le corps.

Le temps d’une parenthèse, être dans l’écoute de la musique, qu’elle fasse pétiller chaque cellule.
La magie de la musique.

La parenthèse musicale dure depuis plusieurs jours à Radio France, en grève illimitée dans le but de peser sur le Contrat d’Objectifs et de Moyens actuellement en négociation entre la direction et l’Etat. Un contrat d’objectifs et de moyens, COM pour les intimes, qui sonne très enfumage managérial visant un seul but : la baisse des coûts le gain de productivité, autrement dit un Contrat Objectif Moins de moyens, l’Etat montrant d’avantages de bienveillance à l’égard des entreprises privées qu’à l’égard du service public et de ses concitoyen-nes. On a pourtant nettement plus besoin de festivals et d’espaces culturels que de magasins ouverts la nuit ou le dimanche. On a bien plus besoin d’artistes et de technicien-nes de spectacles que d’employé-es de commerce…

Music for a while

Je n’avais, jusqu’à ce que je me lance dans cette aventure, aucune expérience en chant lyrique. Mon répertoire est traditionnel. Je l’ai rencontré à l’occasion d’un forum des associations, il y a quelques, voire un certain nombre d’années, alors que je cherchais une chorale après avoir fait l’expérience étonnamment heureuse d’une soirée karaoké dans laquelle m’avaient entraînée des amies. Là encore, si quelqu’un m’avait annoncé plus tôt que je chanterais un jour, je ne l’aurais pas cru. Bref.

Quand un camarade de l’atelier chant du Folk des Terres Froides a présenté ce projet d’ensemble vocal devant accompagner un spectacle dans une commune voisine, j’ai dit oui, enchantée par l’expérience nouvelle. J’ai déchanté ensuite angoissée par le répertoire. J’ai hésité à m’inscrire et puis, rassurée et soutenue, j’ai osé me lancer (les autres ont plus confiance en moi que moi…).

Le projet a été proposé dans chaque lieu où le spectacle est programmé, mais comme il n’y avait pas assez de chanteuses et chanteurs inscrits à chaque fois, celles et ceux qui le souhaitaient pouvaient participer à plusieurs dates. La première était jeudi dernier. Nous nous sommes retrouvés à une vingtaine de choristes pour accompagner Claire, Judith et Anaïs, à trois moments du spectacle. Quelle expérience ! Quel bonheur d’être là ! Même si je faisais plus de figuration que je ne donnais de la voix : de ma bouche ne sortait en effet qu’un filet minuscule — pas du genre à faire tomber un mur en Placo, même après des années d’infiltration (mais je m’égare) — un filet à peine audible, sans coffre, sans souffle, sans résonateurs. Rien qu’un filet désincarné. Tout le travail de pose de voix et de respiration, pffffft, envolé.
Avant le concert, j’avais un peu peur d’avoir la voix nouée par l’émotion, étant parfois émue aux larmes par la musique, mais là j’étais tellement corseté par le trac que non.

J’ai retrouvé mon aise et ma voix sur la route du retour, en entonnant mon répertoire habituel. J’espère les conserver pour les représentations à suivre. En tous cas, je vais m’atteler au travail d’ancrage nécessaire pour y parvenir. Il serait dommage de ne pas réussir à donner de moi-même, à partager pleinement ce moment de musique.